Depuis les années 90, la justice pénale internationale a connu un essor considérable, marqué par la création de plusieurs juridictions chargées de juger les crimes les plus graves. Parmi elles, la Cour pénale internationale (CPI) est devenue la première juridiction permanente en la matière. Maître Manon Dantin, avocate à Marseille, vous explique le rôle et le fonctionnement de ces tribunaux internationaux, essentiels dans la lutte contre l'impunité.
Créée en 2002 après l'adoption du Statut de Rome en 1998, la CPI est compétente pour juger quatre types de crimes : le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression. Elle agit de manière complémentaire aux juridictions nationales, intervenant uniquement lorsque les États n'ont pas la capacité ou la volonté de poursuivre eux-mêmes les auteurs de ces crimes.
La CPI compte actuellement 125 États parties, mais de grandes puissances comme les États-Unis, la Russie et la Chine n'ont pas ratifié le Statut de Rome. En octobre 2024, l'Ukraine a ratifié le Statut de Rome, devenant ainsi le 125e État partie à la CPI à compter du 1er janvier 2025. Cette adhésion renforce la coopération entre l'Ukraine et la CPI dans la lutte contre l'impunité.
Le budget annuel de la CPI s'élève à environ 150 millions d'euros, financé par les contributions des États parties et des donations volontaires.
Parmi les affaires emblématiques traitées par la CPI, on peut citer celle de Thomas Lubanga, premier individu condamné par la Cour en 2012 pour l'enrôlement et la conscription d'enfants soldats en République démocratique du Congo. La CPI a également ouvert des enquêtes dans 13 situations, notamment en Ouganda, au Darfour (Soudan), en République centrafricaine, au Kenya, en Libye, en Côte d'Ivoire et au Mali.
Récemment, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine, accusé de crimes de guerre et notamment du crime de déportation illégale d'enfants depuis les zones occupées d'Ukraine vers la Russie; contre Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, alias "Deif", commandant en chef des Brigades al-Qassam, l'aile militaire du Hamas, pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre (notamment des meurtres, tortures et viols) commis en Israël depuis le 7 octobre 2023; mais également contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu accusé de crimes de guerre et de crime contre l'humanité commis contre des populations civiles palestiniennes depuis le 8 octobre 2023.
Ces affaires illustrent l'engagement de la CPI à poursuivre les responsables de crimes graves, indépendamment de leur position ou affiliation.
Toutefois, la CPI ne dispose pas de moyens pour exécuter elle-même ses mandats d'arrêt. Elle dépend des États membres pour arrêter et extrader les suspects. Ainsi, à court terme, l'exécution de ces mandats d'arrêt est incertaine, mais ils exercent indéniablement une pression diplomatique importante sur les personnes visées.
Avant la création de la CPI, l'ONU avait mis en place deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc dans les années 90 : le TPIY pour l'ex-Yougoslavie et le TPIR pour le Rwanda. Ces juridictions ont été chargées de juger les crimes commis lors des conflits qui ont secoué ces régions, notamment les actes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
Le TPIY a inculpé 161 personnes et en a condamné 90, dont Radovan Karadzic et Ratko Mladic, tandis que le TPIR a inculpé 93 individus et en a condamné 62, parmi lesquels figurait Jean Kambanda, premier chef de gouvernement à être reconnu coupable de génocide.
Après leur fermeture en 2015 et 2017, leurs affaires résiduelles ont été transférées au Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (MICT), qui continue à gérer les appels, les condamnations et la recherche de fugitifs.
Outre la CPI et les tribunaux ad hoc, il existe d'autres juridictions pénales internationales, souvent qualifiées d'hybrides ou de mixtes. C'est le cas notamment des Tribunaux spéciaux pour la Sierra Leone, le Liban ou encore le Cambodge, qui présentent une composition et un fonctionnement alliant dimensions nationale et internationale.
Plus récemment, des Chambres spécialisées ont été créées pour le Kosovo et la Centrafrique, incarnant un modèle novateur de juridictions internationalisées, intégrées au sein même des systèmes judiciaires nationaux, mais bénéficiant d'un soutien et d'une expertise internationaux.
À noter : Les Chambres africaines extraordinaires, établies par le Sénégal et l'Union africaine, ont condamné l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture en 2016.
Malgré leurs limites et les défis auxquels elles sont confrontées, les juridictions pénales internationales ont indéniablement contribué à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves, en permettant de traduire en justice des individus qui auraient probablement échappé aux poursuites devant les tribunaux nationaux. Elles ont également participé au développement et à la consolidation du droit pénal international.
Pour autant, ces juridictions font l'objet de critiques récurrentes, portant notamment sur leur coût, leur lenteur ou encore leur sélectivité. Pour gagner en efficacité et en crédibilité, elles doivent impérativement bénéficier d'un soutien accru de la communauté internationale, tant en termes de coopération que de ressources. Il est également essentiel de repenser leur articulation avec les juridictions nationales, dans une logique de complémentarité et de renforcement mutuel.
Informations clés à retenir sur les juridictions pénales internationales :
En somme, si les juridictions pénales internationales jouent un rôle crucial dans la répression des crimes internationaux, de nombreux efforts restent à fournir pour renforcer leur légitimité et leur impact.
Maître Manon Dantin se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans vos démarches. N'hésitez pas à la contacter si vous avez besoin d'une assistance juridique à Marseille ou dans sa région.